samedi 20 décembre 2014

Le grand amant Dan Simmons

« Il est presque temps de parler de la Dame. J’ai hésité à le faire parce que, si quelqu’un trouvait mon journal et le lisait, il penserait que je suis fou. Je ne suis pas fou. »

 

Juillet 1916, bataille de la Somme. James Edwin Rooke, jeune officier et poète, consigne les horreurs de la guerre dans son journal. Les camarades morts pour gagner quelques centimètres de terrain. Les conditions effroyables dans les tranchées. Les ordres absurdes...

Mais, blessé au fond d’un trou d’obus, il a également aperçu de la beauté sous les formes d’une femme superbe. Un parfum de violette, une robe diaphane, de longs cheveux blonds...

Qui est-elle ? Que fait-elle sur le champ de bataille ?

Serait-ce l’Ange de la Mort, venu le réclamer ?

 

Dan Simmons est l’une des figures majeures de la littérature américaine. Science-fiction (Hypérion/ Endymion), fantastique (L’Échiquier du mal, Nuit d’été), roman historique (Drood, Terreur) ou encore polar (la trilogie Joe Kurtz), pour ne citer que quelques-unes de ses oeuvres les plus emblématiques, il touche à tout avec une facilité déconcertante et toujours une grande réussite. Le Grand Amant, qui nous plonge dans l’enfer de la Première Guerre mondiale, a reçu le Grand Prix de l’imaginaire. SITE ACTUSF
  
Mon avis : 

Lors de la masse critique Babelio du mois de novembre je me suis laissée tenter par différents livres dont celui-ci. 

Les lectures imaginaires et fantasy ou Sciences fiction ne sont pas mes lectures de prédilections mais j'aime parfois me laisser surprendre par ces histoires. Et les Masses critiques sont toujours de belles occasions de se laisser tenter.

J'ai par ailleurs déjà lu du Dan Simmons (dans un recueil de nouvelles prêté par une grand fan de SF) et je sais que son écriture est percutante.

Attirée aussi par les mots comme poésie et journal de guerre  et par la récompense donnée à ce livre, le Grand Prix de l’Imaginaire (catégorie nouvelle) de 1996."J'ai donc coché en souhait ce livre et je l'ai obtenu ! 


Site sur lequel j'adore me rendre lire des critiques, échanger, faire des quizz, composer ma bibliothèque idéale, tenter ma chance aux Masses critiques ....




Au fond, j'avoue j'appréhendais un peu cette lecture, mon besoin de légèreté du moment sans doute ....

Je savais pertinemment que me retrouver plonger au cœur de la bataille de la Somme lors de l'été 1916 n'allait pas être une promenade douce et tranquille....

Alors oui, cela n'a pas été tranquille de me retrouver sur le champs de bataille avec pour compagnie James Edwin Rooke. 

Mais je me suis immergée totalement dans ce récit. Récit issus du journal de guerre réel de ce jeune officier et un peu "romancé" par Dan Simmons.

Le réalisme de l'écriture de cette guerre des tranchées est fort et vous submerge, vous engloutit, vous poignarde le cœur. On voudrait s'enfuir, loin de toutes ces horreurs mais on reste scotché, comme littéralement enchaîné à ce récit...

Les horreurs de la guerre sont décrites dans toutes leurs abominations et leurs sauvageries. 
Et je garderais longtemps en mémoire certaines images chocs !!!!

Ce jeune officier fait la guerre plus qu'à contre cœur ... 
La mort frappe sans distinction et pourtant épargnera le jeune officier....

Dans l'horreur de cette guerre et dans l'horreur que vit James, une femme lui apparaît...

Et alors, dans son esprit, la guerre s'arrête ... 

Les moments sont alors doux, emprunts de beauté, de calme et de volupté... 

Est-elle la mort ? 
Est-elle la vie ? 
Est-elle l'amour ? 
Une muse ?
Ou la somme de toute chose ?

Cette Dame blanche sera là pour adoucir les jours de notre jeune poète, à chaque fois que les situations deviennent inespérées, elle arrive....

L'officier en devient vite amoureux, l'attendant presque avec impatience tout en sachant qu'elle ne vient que quand le pire du pire se produit...

J'ai beaucoup aimé ces deux mondes parallèles et paradoxaux.

J'ai apprécié aussi la place qu'occupe la poésie dans ce livre et cette façon qu'elle a d'aider les hommes dans des moments trop douloureux. 

Oui, la poésie est essentielle pour les hommes.

Le grand amant est un livre marquant,
 emprunt d'un grand réalisme sur les lieux de la guerre des tranchées 
mais aussi d'une grande beauté car au bout du compte
 c'est bien un hymne à la vie que nous délivre ce jeune poète 
à travers son journal de guerre. 


Je ne peux que finir ce billet par son poème,
 Le grand amant : titre de ce livre, 
vibrant hommage à la vie en général et à la sienne en particulier !
Poésie clôturant ce beau livre !


Le grand amant

Quel amant j'ai été !
A chanter fièrement la splendeur de l'Amour, 
La souffrance, le calme et l'émerveillement, 
Le désir sans limites, et le repos tranquille, 
Et tous les doux noms qu'inventa l'homme, trompant le désespoir

Aux courant aveugles et chaotiques qui entrainent a
Au hasard nos cœurs, le long de la vie obscure.
A présent, avant qu'un vain silence ne tombe
Furtif sur ces querelles, je voudrais tromper la Mort endormeuse

Et que ma nuit soit connu pour l'étoile
Qui éclipsa tous les soleils de tous les jours des hommes.
Je veux, d'un chant immortel, couronner
les êtres que j'ai aimés, qui m'ont donné, les ayant forcés avec moi,
De grands secrets, qui ont vu à genoux dans le noir
Ineffable dieu des plaisirs.
L'amour est une flamme : - nous avons éclairé la nuit du monde.

Une ville : - Nous l'avons bâtie, eux et moi. 
Un empereur : - nous avons appris au monde à mourir.
Aussi,pour leur cher salut, avant d'aller plus loin,
Et pour la noble cause de la grandeur de l'Amour,
Et pour la jeunesse de cette foi, je veux écrire ces noms, 
Ces noms d'or immuable, aigles, flammes hurlantes, 
Et brandir bien haut, pour édifier les hommes.
Une bannière qui brave les générations, brûle
Et se consule sur l'aile du Temps, épars, étincelante.

Ce que j'ai aimé, le voici :
les porcelaines blanches, qui rayonnent
cerclées de bleu ; la poussière impalpable et féérique ;
Les toits mouillés sous les réverbères ; la croûte dure
Du pain ami ; les mets aux saveurs multiples ; 
L'arc en ciel ; et l'âcre fumée bleue du bois ;
La pluie brillante en gouttes dans la tiédeur des fleurs, 

Les fleurs aussi, se courbant au soleil, 
Et rêvant des phalènes qui les boivent sous la lune ; 
Et puis la fraîcheur tendre des draps, où bien vite
Les soucis s'en vont ; le baiser rude et mâle
Des couvertures ; bois rugueux ; cheveux flottants,
Epars et clairs ; amas bleu de nuages ; la beauté aiguë,

Indifférente d'une grande machine ;
La bienfaisance de l'eau chaude ; la douceur des fourrures, 
La bonne odeur des vêtements anciens ; et encore
L'odeur réconfortante des doigts amis, 
le parfum des cheveux, et les senteurs moisies traînant
Parmi les feuilles mortes et les vieilles fougères ... 
Noms aimés, 
Et mille autre qui surgissent ! Flammes royales ;
Rire à fossettes de l'eau douce, du robinet ou de la source ;
Creux dans le sol et vois qui chantent ;
Voix qui rient aussi ; et la souffrance du corps, 
Vite apaisée ; et le profond halètement du train ;
Sables fermes ; la mince frange grise de l'écume
Qui brunit et disparait lorsque la vague se retire ;
Les pierres lavées, gaies pour une heure : la froide
gravité du fer ; l'argile terreuse, moite, noire ;
Le sommeil ; les sommets ; les pas perdus dans la rosée,

Les chênes et les marrons bruns, luisants et neufs, 
Les bâtons sans écorce ; l'éclat des flaques parmi l'herbe ;

Tout cela, je l'ai aimé. Et tout cela s'en ira à l'heure indécise, 

Et ma passion ni mes prières ne pourront faire 
Qu'avec moi je les garde, franchies les portes de la Mort
Ces chses déserteront, me fuiront avec un regard traître,
Brisant le beau lien qui nous unit, livrant à la poussière
Ces serments de l'Amour et son pacte sacré.

Oh je sais bien qu'un jour je m'éveillerai 
Pour donner à nouveau ce qui me restera d'amour trouver.

D'autres amis, aujourd'hui inconnus...
Pourtant ce qui m'est le plus cher
reste ici, et change, et se brise, vieillit et s'envole
Aux quatre vents, et quitte les cerveaux
des hommes et finit par mourir,
Rien en demeure.

Ô chers amours, Ô mes beaux infidèles, voici encore
Un don ultime : un jour, dans bien longtemps des hommes
Vous verront des amoureux vous loueront :
" Que j'aime tout cela ! " - alors vous pourrez dire " Lui nous aima".


James Edwin Rooke 




et aux Éditions Actusf 
et à Charlotte Volper



6 commentaires:

  1. Je ne suis tellement pas fan du genre que, malgré ton enthousiasme, je vais passer sans regret ;)

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    1. Pas ami de la poésie cher Jérôme ?
      J'ai fait passé dans mon billet la poésie en premier lieu mais les scènes de guerre dans les tranchées sont terriblement bien décrites. Un réalisme effrayant et une écriture qui sonne juste ... Le glas ...
      Bises et bon préparatif de Noël avec ta famille

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  2. Le genre de sujet vers lequel je vais plutôt à reculons...

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    1. Coucou Manu,
      oui le sujet est dur mais l'écriture est prenante et je l'ai lu avec le plaisir de la belle écriture.
      Bisous et Joyeux Noël

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  3. j'ai lu Drood et Terreur de Dan Simmons, celui-ci me tenterai bien aussi.

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    1. Bonjour Line et bienvenue ici ;-)
      Tu as déjà succombé à l'écriture de Dan Simmons, ce petit opus est d'une grande qualité d'écriture.
      Bises et @ bientôt

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