dimanche 7 mars 2021

Au cœur du Yamato pentalogie - Aki Shimazaki

 


Après l’immense succès du cycle Le Poids des secrets, Aki Shimazaki en a achevé un deuxième, ici proposé dans son intégralité : intitulé Au cœur du Yamato, il est composé des romans MitsubaZakuroTonboTsukushi et Yamabuki qui peuvent se lire indépendamment ou dans l’ordre que l’on voudra. On y retrouvera l’écriture discrète, élégante et pleine d’empathie qu’on lui connaît.

Née au Japon, Aki Shimazaki vit à Montréal depuis 1991. Toute son œuvre est disponible chez Actes Sud, notamment ses trois pentalogies : Le Poids des secretsAu cœur du Yamato et L’Ombre du chardon. Ces quinze volumes peuvent parfaitement se lire individuellement, ou dans le désordre - c'est bien là l'étonnant art de la construction que maîtrise Aki Shimazaki. Source des Editions Actes Sud


Mon avis : 

Après ma lecture précédente j'ai eu envie de retrouver une écriture plus épurée alors je me suis lancée dans la lecture des 5 romans composant cette pentalogie que je m'étais offerte il y a quelque temps déjà et qui trônait dans ma bibliothèque comme un bel objet. De cette auteure j'avais déjà lu "Azami", qui fait partie également d'un cycle "A l'ombre du chardon".

Les vacances d'hiver étaient là et ces livres m'ont aidés à passer une période désagréable. Merci à la lecture de rendre la vie plus douce et de me changer les idées.

Une lecture entre songes et réalités, où la vie des personnages ne prends pas toujours des chemins tout tracés. Les diktats de la société (ici la société japonaise encore plus cloisonnée au niveau du travail), les apparences à tenir, mais aussi parfois la beauté des choses par l'amour et le rêve. 

Les personnages s'entrecroisent dans les 5 livres, on peut les lire indépendamment mais suivre l'ordre m'a été agréable. J'ai donc lu les 5 tomes dans l'ordre, sage comme une image, ordonnée comme un bouquet d'Ikebana. 

C'est au moment d'écrire ce billet et en me posant sur ma lecture que j'ai encore plus senti les interconnexions entre les personnages par delà le temps, car on les croise à différents moments de leur vie. Et finalement les 5 livres forment des chapitres au sein d'une histoire rassemblant tous les protagonistes.

Tous les personnages ne m'ont pas touchés de la même façon et j'ai eu une sensibilité particulière pour le couple formé par Takashi et Yûko mais aussi par Aïko Toda et Tsuyoki Toda.

Je pense que ce genre de lecture est tout à fait dans mon état d'esprit actuel, entre la réalité pas toujours simple et les rêves qui nous font avancer vers des possibles réjouissants.

Aki Shimazaki est donc une auteure que je continuerai à savourer à travers ses autres cycles, notamment "Le poids des secrets". 

En plus fleurs de cerisiers sur la couverture, les livres sont si beaux, de beaux petits bijoux à mettre dans sa bibliothèque.


Mitsuba 

Quand la compagnie d'import-export Goshima de Tokyo se propose d'affecter Takashi Aoki à sa succursale de Paris, ce jeune employé prometteur se trouve à un point tournant de sa vie puisqu'il vient de rencontrer enfin la femme avec qui il souhaite fonder une famille, Yûko Tanase. Mais il sait aussi que les lois silencieuses et impitoyables de sa société, à l'intransigeance impériale, peuvent écraser d'un doigt les relations humaines des êtres qui ne font pas partie des puissants. Qu'adviendra-t-il alors de la promesse des amoureux, faite au café Mitsuba ?

Un premier tome que j'ai particulièrement aimé mettant en scène le couple Takashi Aoki et Yûko Tanase, un homme, une femme l'amour et la vie qui passe.

Avec une scène tout simplement magnifique dans le Shinkansen (le TGV japonais) telle que l'on en rêverait tous. 

Le Mitsuba est le trèfle à trois feuilles et le nom du café où les deux jeunes gens vont se découvrir. C'est aussi le prénom d'un autre personnage de ce cycle que l'on découvre plus tard.

ZAKURO 

Voilà vingt-cinq ans que Bânzo Toda est porté disparu – depuis sa déportation dans un camp de travaux forcés en Sibérie, à la fin de la guerre. Sa femme, atteinte de la maladie d’Alzheimer, n’a jamais perdu l’espoir de le revoir. Quand leur fils Tsuyoshi découvre que son père vit depuis des années dans une ville toute proche, qu’il a changé de nom et s’est remarié, il veut comprendre.

Tsuyoshi Toda remonte le fil de l'histoire de son pays dans ses pires heures pour  aller à la rencontre de son père que l'histoire n'a pas épargné dans ses choix de vie. 

Le livre de cette pentalogie le plus triste et désolant. Lorsque les disparitions ne sont pas ce que l'on croit et que l'amour fait prendre des décisions irrévocables et tragiques ...

Mais aussi quand la vérité finie par apporter un certain apaisement.

De belles citations sur l'éducation,  

" A vrai dire, mon père ne pensait pas qu'on mérite l'accès à l'enseignement supérieur seulement parce qu'on a obtenu d'excellentes notes. Il me disait souvent : " Je connais des gens qui sont stupides même s'ils ont réussi leurs études universitaires. Ces gens sont plus stupides que les gens sans instruction ! "

 et sur l'enseignement de l'histoire et les partis pris des pays.

 " Je sais que beaucoup de livres ont été publiés à ce sujet par des rapatriés de la Sibérie, mais j'ignorais que cette histoire précise n'était pas évoquée dans les manuels scolaires. le Japon a pourtant été une victime directe des politiques de l'Union Soviétique. Satoshi me dit : - On parle beaucoup des victimes des bombes atomiques larguées sur Nagasaki et Hiroshima. Pourquoi ignore-t-on les victimes des travaux forcés en Sibérie ? "

Zakuro veut dire : grenade (le fruit) 


Tonbo 

Contraint de quitter la compagnie Goshima, Nobu a fondé un établissement privé de cours préparatoires au lycée, le juku Tonbo, qui connaît une belle réussite? Il reçoit un jour la visite inattendue d'un homme qui fût lui-même un élève de son père, lequel s'est suicidé quinze ans plus tôt dans la tourmente suivant la mort d'un lycéen rebelle. Cette rencontre permettra à Nobu de jeter un nouvel éclairage sur un sombre épisode de sa jeunesse.

Nobu est un personnage intéressant et qui a su sortir des chemins tout tracés de l'entreprise japonaise. Il m'a plu dans cette liberté qu'il s'est octroyé et aussi dans la recherche et la compréhension de ce qui est arrivé à son père.

Dans cette pentalogie les pères sont très présents par leurs absences ... Oui, c'est étrange mais ce thème de la paternité est au cœur du Yamato et j'ai aimé cette mise en abîme de ce thème récurrent.

Tonbo veut dire libellule et les libellules vont rassembler des personnes confrontées aux deuils de personnes chères à leur cœur. 

" - Connaissez-vous les usabaki-tonbo ? - Oui. Mon père m'en a parlé quand j'étais jeune. Je lui répète ce qu'il m'a appris. Ces libellules arrivent au Japon probablement en provenance de pays chauds : Asie du Sud Est et îles du Sud Ouest. Parvenues en Kyushu, elles montent vers le nord, en Hokkaïdo. Malheureusement, elles ne survivent pas à l'hiver du Japon. En répétant cette histoire , je revois l'image de Jirô courant vers le nord : Fukuoka, Kobe, Yokohama, Tokyo... Madame Wada me demande de nouveau : - Savez vous qu'on les appelle "Libellules-âmes des morts ", car elles apparaissent pendant la période du bon. - Oui je trouve cela très poétique. Elle sourit : - J'ai cru que l'âme de ma fille m'avait guidée ici. Ses yeux se mouillent de larmes. Emu, j'imaginais que l'âme de mon père m'a fait choisi le mot tonbo à travers ma fille, pour inviter Jirô à venir me voir, cet élève dont mon père avait dû s'inquiéter jusqu'à sa mort."

Tsukushi


Lors de la fête qui souligne le treizième anniversaire de sa fille Mitsuba, Yûko découvre une boîte d'allumettes décorée d'une image de tsukushi. Cette figure symbolique, qu'elle trouve “artistique et érotique”, sera le déclencheur d'une série de révélations qui pourraient compromettre l'existence de Yûko et la sérénité de son sentiment familial. Est-il possible que, derrière le rideau de son mariage, “l'apparence d'être un couple importe plus que l'amour” ? Trahisons, doubles vies enfouies dans un silence impénétrable risquent bientôt de bouleverser sa vision du bonheur et le cours de sa vie.

On retrouve ici Yûko à un moment de sa vie où tout semble calme, posé et immuable mais où tout va pourtant basculer. 

On s'insère ici dans les apparences trompeuses d'un couple que tous admirent. 

" Je pense à mon mari. Notre vie s'est normalisée en apparence. Comme avant nous discutons de choses quotidiennes. Nous dormons dans la même chambre, chacun son lit, séparés."

Il y en a des secrets dans cette union.

Ce livre parle des concessions que l'on peut faire dans un couple. Où des secrets qui scellent des décisions pour le meilleur et parfois le pire.

Livre très sensuel et délicat. Yûko ouvre les yeux et s'interroge ainsi sur ses choix de vie auprès de sa fille Mitsuba.

Tsukushi veut dire : Tige à sporanges de la prêle. (à la forme très évocatrice) 

Yûko est passée maîtresse dans l'art de l'ikebanas, l'art de faire des bouquets très graphiques et minimalistes. 

Yamabuki


Cela fait maintenant cinquante-six ans que Aïko Toda a connu le coup de foudre pour celui qu'elle acceptait d'épouser dès leur premier rendez-vous. Aux côtés de cet homme, un cadre dévoué de l'importante compagnie Goshima, elle a été aux premières lignes de la reconstruction économique de son pays dévasté par la guerre. Toujours aussi amoureux, tous deux profitent aujourd'hui de leur retraite. Au fil des jours de pluie et des promenades, Aïko songe à ce demi-siècle passé auprès de Tsuyoshi Toda, son samurai ; un bonheur dont elle prend la mesure alors que remontent aussi à sa mémoire les années qui ont précédé leur rencontre, celles d'un premier mariage raté.

La vieillesse de Aïko Toda à côté de Tsuyoshi Toda.

Le regard de cette femme sur l'amour de sa vie.  Tout ayant commencé par un coup de foudre entre eux deux dans le wagon d'un train. Tsuyoshi va alors déposé un billet doux et enflammé sur les genoux de Aïko avec non pas son 06 ni son mail, mais le numéro de téléphone de la société dans laquelle il travaille.

" Je n'avais jamais entendu parler d'une déclaration d'amour aussi laconique, directe et audacieuse. C'est comme un haïku mais loin d'être poétique. La forme des caractères carrés est aussi loin d'être artistique. Cependant tout est clair. "

Quel délice cette rencontre, comme une évidence ! Une fulgurance qui perdurera jusqu'aux vieilles heures de cette femme et de cet homme.

J'ai profondément aimé ce couple s'accompagnant dans un profond amour et respect de l'un et de l'autre. 

Aïko est une femme qui m'a beaucoup touchée et qui a su rebondir après un premier mariage malheureux. 

Avec ce livre, j'ai clos ma lecture de cette pentalogie et comme Aïko une larme a doucement coulé, tel un pétale de Yamabuki sur ma joue.

Yamabuki : signifie corête du Japon 



Une très belle lecture, de très bons moments au cœur du Yamato !

Merci à Aki Shimazaki pour cette belle sensibilité

qui me touche amplement ! 

Je poursuivrai sans hésité ma découverte de ses livres ♥