dimanche 14 février 2021

Les yeux de Milos Patrick Grainville

Milos vit sa jeunesse, ses études de paléontologie et ses amours à Antibes, sous l’emprise de deux peintres mythiques, Pablo Picasso et Nicolas de Staël, réunis au musée Picasso, dans le château érigé face à la Méditerranée.

Picasso a connu à Antibes des moments paradisiaques avec la jeune Françoise Gilot, alors que Nicolas de Staël se suicidera en sautant de la terrasse de son atelier, à deux pas du musée. Ces deux destins opposés – la tragédie précoce d’un côté, la longévité triomphante de l’autre – obsèdent Milos. Le jeune homme possède un regard envoûtant, d’un bleu mystérieux, quasi surnaturel, le contraire du regard fulgurant et dominateur de Picasso. Les yeux de Milos vont lui valoir l’amour des femmes et leur haine.

Le nouveau roman de Patrick Grainville est l’aventure d’un regard, de ses dévoilements hallucinants, de ses masques, de ses aveuglements. C’est le destin d’un jeune paléontologue passionné par la question de l’origine de l’homme. Milos, l’amant ambivalent, poursuit sa quête du bonheur à Antibes, à Paris, en Namibie, toujours dans le miroir fastueux et fatal de Pablo Picasso et de Nicolas de Staël.

Patrick Grainville est né en 1947 à Villers. En 1976, il a obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants. Il a été élu à l’Académie française en 2018. SOURCE SEUIL 

Mon avis : 

Olalalalalala je suis très très en retard pour rendre mon avis sur ce livre que j'ai obtenu grâce à une masse critique particulière de mon cher Babelio !

Oui, 17 jours de retard c'est beaucoup et je m'en excuse... Mais j'ai des circonstances atténuantes, si si, tout d'abord et bien cette lecture a été pour moi laborieuse. Je n'avançais pas dans ce style très pompeux, bavard, ou un je ne sais quoi d'un auteur de l'Académie Française ???... Et puis, je n'étais pas en forme (pas le, pardon la covid, je vous rassure même si celui-ci commence par me miner le moral) et j'avais l'esprit ailleurs, oui ailleurs ...

Gloups, ben oui désolée mais moi je suis une lectrice basique et quand le style est trop trop riche et appuyé ça me gène, ça me coupe dans mon élan et je me mets à pester et à survoler les lignes. Quand les phrases sont à ralllooonngeeee, longues, ennuyeuses, répétitives, imbuvables, lourdes, interminables, soporifiques et j'en oublie ... Vous avez compris ? 

Alors vous me direz qu'en survolant on peut lire vite si on n'aime pas. Oui c'est vrai, mais je n'étais pas non plus dans l'abandon de ce livre qui a su m'accrocher sur certains aspects.

Par les femmes qui transitent autour de Milos et cette écriture érotique qui pointait comme des seins caressés et un peu pincés ... 

"Ils se laissèrent aller au gré du courant. Jamais la mer, dit Milos, ne permettrait un tel vagabondages ludique, entre deux rives de roseaux, de buissons vivaces, de plantes douces et rondes et de fleurs rouges. des odeurs de menthe affluaient. Ils virent la météorite d'un martin-pêcheur foudroyant. Puis des hirondelles, d'une arabesque volatile, effleurèrent l'eau de leur bec, pour cueillir des insectes. Elles revenaient soudain, piquaient, abstraites, impondérables. Leur petit ventre ovale et blanc étincelait, pépite, s'évanouissait. Marine eût adoré être ainsi picorée par les oiseaux gracieux, sous la caresse de leurs ailes magiciennes."

Il y a aussi tout le côté paléontologie au côté de l'Abbé Breuil et par la revisite par Milos et ses femmes des hauts lieux de l'origine de l'homme et de l'art. 

" Ils voyagèrent aux lisières du Kalahari pour admirer les oryx. Quand Milos vit l'oryx dressé dans la savane blanchie, il fut saisi par sa beauté. Sa toison fauve gris aux nuances dorées, rosées. Selon le soleil, l'éclat des dunes, l'ombre des acacias. L'oryx survit dans le désert. C'est l'antilope philosophale. Belle, ample. Plénitude de sa robe qui ondule. "

Dans ce livre la volonté de dresser un vilain portrait de Pablo Picasso, l'homme aux conquêtes innombrables est pour le moins répétitif et entêtant. L'auteur a bien sur réussi à me le faire détester cet artiste pourtant éblouissant et foisonnant dont l'œuvre force tout de même le respect. 

"Moi je crois qu'il s'est tout permis en naissant. Un droit sur tout, d'usurpateur, comme il dit. L'emprise par sa peinture virtuose. Droit à la razzia des femmes, des arts, des formes. Donc, il a couru vers d'autres enchantements sans rien renier de son amour pour Marie-Thérèse? Sans cesse il lui répète qu'il l'aime, qu'il n'aime qu'elle, tout en partant. Picasso c'est l'amour sans contradiction. Peut-être plus sincère que tricheur. Egoïste absolu. Il jure, il ment, il manipule. Il dit sa vérité polymorphe comme sa peinture. Capable de supplier, de pleurer, pour posséder le cœur d'une femme, capable de tout pour la larguer. Papillon à trompe monstrueuse. Contrefaçon de Don Juan avec se tête de Sganarelle burlesque."

De l'autre côté, le portrait de Nicolas de Staël dressé par Patrick Grainville, on le sent bien est mis en valeur en tant qu'homme, romantique, profond et torturé. Il y a davantage de respect pour cet artiste dans les lignes de l'auteur. 

Pourquoi cette volonté de parallèle entre les deux artistes... Pour avoir deux prismes de la création sans doute et deux styles de vie ? 

Ainsi vous l'aurez compris cette lecture ne m'a pas vraiment plu dans son ensemble car trop appuyée !

Quelques fulgurances érotiques et quelques  épisodes de découvertes des origines de l'art auront permis que je ne l'abandonne pas et que j'en vienne à bout 17 jours trop tard.

Merci à Babelio pour sa confiance, merci aux éditions du Seuil !

Quant à vous et bien c'est vous qui voyez !

Portez-vous bien et lisez  !



samedi 6 février 2021

Buveurs de vent Franck Bouysse


 
Ils sont quatre, nés au Gour Noir, cette vallée coupée du monde, perdue au milieu des montagnes. Ils sont quatre, frères et sœur, soudés par un indéfectible lien. Marc d’abord, qui ne cesse de lire en cachette. Mathieu, qui entend penser les arbres.
Mabel, à la beauté sauvage. Et Luc, l’enfant tragique, qui sait parler aux grenouilles, aux cerfs et aux oiseaux, et caresse le rêve d’être un jour l’un des leurs. Tous travaillent, comme leur père, leur grand-père avant eux et la ville entière, pour le propriétaire de la centrale, des carrières et du barrage, Joyce le tyran, l’animal à sang froid...

Mon avis :

Lecture grâce à la Médiathèque Numérique de la Loire sur ma tablette car je n'arrive pas à transférer mes prêts sur ma liseuse ...

Une lecture qui fait penser à un conte avec l'écriture si particulière de Franck Bouysse dont j'avais absolument adoré  "Né d'aucune femme" (Vous pouvez cliquer sur le titre pour voir mon avis ravi).

L'écriture de l'auteur, est toujours poétique, puissante, instigatrice de sentiments de l'amour, de la mort, du temps qui passe et des hommes.

" Pour témoigner de ce qui arrive ensuite, il faudrait peindre le silence avec des mots, même si les mots ne suffiront jamais à traduire une réalité, et ce n'est pas nécessaire. Il faudra pourtant . Témoigner du dérisoire et du sublime." 

Ici on intègre une famille qui s'avère dès le départ très bancale. Seule la fratrie est soudée.

" Quatre ils étaient, un ils formaient, forment et formeront à jamais."

J'ai retrouvé ce que j'ai aimé dans Né d'aucune femme et ce style si particulier, poétique et proche de la nature qui sait retranscrire des émotions, vibrer les sentiments. Prix Jean Giono 2020 ce livre le mérite amplement dans ce qu'il nous plonge dans cette nature immense et merveilleuse.

" Dans la forêt, la source de la vie était précisément la mort de tout. Elle se nommait humus, un lit dans lequel naissaient d'innombrables racines, s'enfonçant, chevauchant, butant, contournant, perforant, un lit dans lequel vadrouillaient les formes primales, disparaissant en profondeur, au fur et à mesure que l'oxygène venait à manquer ; un lit dans lequel ma méticuleuse et opiniâtre décomposition de la mort conduisait à la vie ; un lit dans lequel se réveiller et s'endormir."  

Ce livre parle de beaucoup de choses : De la famille, de la fratrie, de l'enfance mais aussi du monde du travail et de celui des despotes qui imposent leur loi.

Les 3 frères et la sœur sont soudés et traversent des tempêtes. La belle Mabel ne s'en laisse pas conter et assume ses désirs et sera ainsi chassée par sa mère bigote invétérée ... A la grande déception de ses trois frères et de son grand-père qui n'auront de cesse qu'elle revienne dans la sphère familiale ...

La vie familiale se mélange à la vie de travail. Le conte familial devient plus social avec la révolte qui finie par gronder dans cet univers cadenassé et trop prévisible...

S'affranchir des lois, s'affranchir des habitudes, s'affranchir de réduit les libertés. Le combat gronde.

" Eux qui s'étaient toujours satisfaits de l'ici se rendaient là bas vers quelque idéal jusqu'alors inconcevable, eux qui avaient toujours marché en petits groupes avançaient désormais en rangs serrés. Géométrie de combattants. Ils allaient résolument, chacun soutenu par tous les autres, en une forme de courage grégaire, qui veut que le nombre fait croire que l'on aura toujours quelqu'un sur qui compter, sans redouter un seul instant que ce quelqu'un c'est seulement nous même".

Je dois vous dire que j'ai pourtant moins appréciée cette lecture que celle de "Né d'aucune femme". 

Alors, non pas du tout une déception loin de là,  mais une écriture faite de plus de dialogues,  et un peu découpée, dans le sens ou nous pouvions avoir finalement deux histoires distinctes : celle au cœur de la famille et celle dans l'usine de Joyce. 

Et puis j'ai été un peu frustrée par la fin qui m'a semblée un peu trop rapide ...

Mais bon tout est relatif, car c'est une lecture qui me reste en tête avec des images et des sensations encore maintenant. Une belle lecture !

J'ai apprécié les personnages riches et sauvages et toujours un peu fantasmés. J'ai apprécié  les chemins qu'ils ont pris et ce qu'ils ont finalement appris ...

Et puis ce titre "Buveurs de vent" je le trouve extraordinaire  ! Magnifique ! Une bonne synthèse de ce que Franck Bouysse sait nous transmettre dans son écriture.

" Ils s'assirent sous la vaste paupière maçonnée , serrés les uns contre les autres, dessinant à eux quatre l'iris de l'œil d'un cyclope inscrit dans la pupille laiteuse du ciel, toujours en leur royaume échappant ainsi à une destinée cartographiée de longue date par les adultes. Ils inspiraient fort et buvaient le vent qui montait dans la vallée, le recrachant en relents de tempête, sous leurs crânes d'enfants."

Je vous souhaite une belle lecture 

en compagnie de ces buveurs de vent qui méritent votre intérêt !

Portez-vous bien et continuez de lire,

une liberté pas prête d'être supprimée et c'est tant mieux !!!


"On embrasse, on acclimate, on déraisonne, on raccommode, on s'accommode, on saisit, on repousse, on met, on fait ce que l'on peut et on finit par croire que l'on peut. On veut faire croire aux hommes que le temps s'écoule d'un point à un autre, de la naissance à la mort. Ce n'est pas vrai. Le temps est un tourbillon dans lequel on entre, sans jamais vraiment s'éloigner du cœur qu'est l'enfance, et quand les illusions disparaissent , que les muscles viennent à faiblir, que les os se fragilisent, il n'y a plus de raison de ne pas se laisser emporter en ce lieu où les souvenirs apparaissent comme les ombres portées d'une réalité évanouie, car seules ces ombres nous guident sur cette terre."

 

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