dimanche 16 février 2020

Préférer l'hiver Aurélie Jeannin



« Maman et moi vivions ici depuis un peu plus de trois ans quand nous avons reçu le coup de fil. Au milieu des pins, des chênes et des bouleaux, au bout de ce chemin sans issue que deux autres propriétés jalonnent. C’est elle qui m’avait proposé de nous installer ici. Et je n’étais pas contre. J’avais grandi dans cette forêt. Le lieu m’était familier, et je savais que nous nous y sentirions en sécurité. Qu’il serait le bon endroit pour vivre à notre mesure. »À distance du monde, une fille et sa mère, recluses dans une cabane en forêt, tentent de se relever des drames qui les ont frappées. Aux yeux de ceux qui peuplent la ville voisine, elles sont les perdues du coin. Pourtant, ces deux silencieuses se tiennent debout, explorent leur douleur et luttent, au cœur d’une Nature à la fois nourricière et cruelle et d’un hiver qui est bien plus qu’une saison : un écrin rugueux où vivre reste, au mépris du superflu, la seule chose qui compte.
Dans un rythme tendu et une langue concise et précise qui rend grâce à la Nature jusqu’à son extrémité la plus sauvage, Aurélie Jeannin, dont c’est le premier roman, signe un texte comme une mélancolie blanche, aussi puissant qu’envoûtant.

#PréférerLhiver #NetGalleyFrance



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Premier partenariat avec NetGalley pour cette lecture. Je m'excuse d'ailleurs de n'être pas très en avance pour émettre mon avis. Du temps que je comprenne comment ça marchait et que ce partenariat était en numérique... Que j'installe le logiciel pour pouvoir lire sur ma tablette... Bref c'est tout moi ça. Donc pardon, mais surtout merci ! 

Une lecture aux notes très introspectives. Deux femmes se sont retirées dans la campagne au cœur de la forêt à distance de toute civilisation.

Ces deux femmes sont mère et fille et on comprends qu'elles veulent se mettre au vert, pour oublier et s'oublier. 

Les blessures qu'elles portent sont immenses en leurs cœurs.

On ne trouve pas de dialogues dans ce livre, il n'y a que deux personnages et elles sont taiseuses....

C'est pas la narration des pensées de la fille que l'on découvre cette histoire. Celle-ci fait son introspection, elle nous livre ses pensées.

On ressent alors ces deux femmes dans leur silence et dans leurs ressentis.

On ne sait pas grand chose de leur vie d'avant ou si peu. On sait que des deuils les ont mis à terre. La perte d'un enfant est leur point commun de douleur (un fils, un petit fils, un fils, un frère et un père absent).

Ce retrait de la société est comme une pause, une retraite essentielle qu'elles ont souhaitée.

" Je rêvais d'un monde aseptisé, neutre, sans sensations. Ni douceur, ni , ni odeur. Oui ce que je voulais c'était du vide. Que l'absence soit enfin totale. Qu'il ne subsiste rien. J'avais fini par ne plus m'attacher et contre toute attente ce détachement m'a été salutaire. Je n'étais pas tombée folle. Je m'étais installée avec maman un an plus tard. Elle dont les détours intérieurs étaient les mêmes que les miens. J'avais décider d'arrêter de penser. Seule l’extrême et insondable peine pouvait le permettre. La complexité de mes émotions, au moment de l'arrachement suprême avait atteint un tel niveau que tout semblait s'être éteint en moi. Ne plus rien ressentir était une autre façon de mourir.  J'étais devenus atone."  

L'écriture d'Aurélie Jeannin est très belle et j'ai aimé observer et presque entendre les pensées de ces deux femmes qui sont hors du monde.

J'ai eu le sentiment comme si la mère attendait encore la naissance de sa fille. Il est question en effet de renaissance et de résilience. 

Toutes les pensées sur le deuil sont émouvantes et sensibles.

Ce roman à le silence de l'introspection,  on ne refait pas l'histoire, on la prends à l'instant T.

Un événement va bousculer un peu cet endormissement, cette hivernation et va heurter les deux femmes qui vont devoir se bouger pour survivre. 

Ce livre est parsemé également de belles pensées sur nos amis les livres qui en l’occurrence sont ici les seuls compagnons des deux femmes.

" Certains livres me donnaient le sentiment d'être les premiers que je lis, comme s'il n'y en avait jamais eu d'autre avant. J'oublie les précédentes histoires. D'autres me font beaucoup de bien, et je me sens avec eux le courage de revivre ensuite. Il y en d'autres dont la justesse me pénètre. Des livres qui me font plonger en moi, en m'autorisant à accueillir  ce que j'ai de plus noir et de plus solide. Je réalise à quel point je vis le cœur rivé sur mon être intérieur. Coupée du monde."

Cette lecture mettant le silence en exergue, j'ai eu paradoxalement l'envie de la déclamer à haute voix tant les mots avaient une belle résonance. L'écriture de l'auteure s'y prêtait à l'heure où les mots semblaient de trop entre ces deux femmes unies par les liens du sang et de la douleur.

" Notre conscience à des limites et c'est précisément pour cela qu'il y a des peines insurmontables et inimaginables. Des peines dont on ne peut faire aucune œuvre, dont rien ne pourra jamais vous délivrer. On ne peut pas faire de la littérature avec ce genre de deuils. Ils sont ineffables. Ce sont des événements qui raclent, qui grattent les bords, les fonds de vous et de la vie. Ils vous assèchent, vous lyophilisent, vous laissent comme un corps vide. Les peines sont l'infini lui-même. Un puits sans fond. Des tristesses éternelles."

Un roman que j'ai pris plaisir à ressentir. 
Un roman d'atmosphère au cœur de l'hiver 
où des femmes vivent malgré tout.
Un beau livre qui nous parle de deuil et de renaissance.

Merci aux Editions Harper Collins 
Traversée 
et à NetGalley !


#PréférerLhiver #NetGalleyFrance



"Ce matin j'ai vu un cerf, de l'autre côté de la plaine."
"Par la chute et la repousse de ces os branchus qui croissent avec la rapidité végétale, la nature affirme que sa force intense n'est qu'une perpétuelle résurrection que tout doit mourir en elle et que pourtant rien ne peut cesser."

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mercredi 12 février 2020

Le baiser Sophie Brocas


En 1910, une jeune exilée russe découvre à Paris la vie de bohème auprès d’un sculpteur roumain, Constantin Brancusi.
Cent ans plus tard, une avocate est chargée d’identifier le propriétaire d’une sculpture, Le Baiser, scellée sur une tombe parisienne. Élucider les raisons de la mort de l’inconnue devient pour Camille un combat personnel : rendre sa dignité à une femme libre, injustement mise au ban de la société.
Avec ce portrait vibrant de deux femmes en quête de justice et d’indépendance, Le baiser questionne aussi le statut des œuvres d’art, éternelles propriétés marchandes, qui sont pourtant le patrimoine commun de l’humanité. SOURCE Éditions J'ai Lu

Mon avis :

Sophie Brocas a été très inspirée en s'emparant d'un fait d'actualité lié à la sculpture " Le baiser "de Constantin Brancusi ornant la tombe de la jeune Tatiana Rachewskaïa pour écrire son livre.

"Le baiser" cette œuvre sculptée de Constantin Brancusi  au cœur de tant de passion, va être le point de départ d'un récit en parallèle de deux femmes  : 

Nous avons à l'époque actuelle, Camille, la femme avocate, qui va se prendre de passion pour l’œuvre du baiser et nous avons Tatiana que l'auteure nous invite à suivre grâce à son journal intime.

Deux époques, deux siècles, deux femmes, un homme et une œuvre d'art.

Si l'auteure s'inspire en partie de la vraie vie de  Tatiana, elle va lui faire connaitre un sort différent en lui faisant vivre une relation amoureuse avec le sculpteur auteur de la stèle de se tombe.



Sophie Brocas dresse alors un beau portrait d'une jeune russe dans le Paris artistique et aristocratique des années 1900.

On parcourt avec ses yeux le Paris de l'époque. La Seine est en crue, la crue du siècle. On va s'introduire dans l'atelier de Brancusi et dans les rues de la ville.

Le portrait de Tatiana est des plus romanesques. Tatiana découvre un monde nouveau pour elle. Un esprit de liberté, d'indépendance. Les prémices du féminisme. Elle va découvrir aussi l'amour.

J'ai aimé suivre cette jeune femme, vive et innocente d'ouvrant à la vie, à l'approche très romantique de la vie et de son appétit de vivre et de voir autrement. Dans sa volonté de s'affranchir des règles de son statut d'origine. 

L'autre portrait est celui de Camille et si cette femme a moins capté mon attention, elle nous permet de découvrir tout un pan juridique concernant les œuvres artistiques.  

Camille mènera une enquête pour tenter de sauver " Le baiser ". Elle nous emmènera sur des terrains juridiques mais également sur la tentative de reconstituer la vie de Tatiana. Pour Camille cette enquête sera aussi l'occasion pour elle de partir à la quête d'elle-même.

Il est à noter qu'en tant que lecteur, nous sommes en avance sur les recherches de Camille puisque nous vivons en direct et de façon journalière la vie de Tatiana. 

De son arrivée à Paris à sa mort. Non, je ne spolie pas l'histoire, car oui Tatiana est morte jeune, c'est indiqué sur sa tombe. 

Je vous laisserais néanmoins découvrir comment Sophie Brocas a sculpté son personnage et fait le lien avec le célèbre sculpteur Brancusi.

Si ce livre est avant tout le portrait de ces deux femmes, le sculpteur Constantin Brancusi en est le dénominateur commun.

J'ai adoré découvrir cet artiste aux travers 
les deux regards féminins à  deux époques différentes. 

Avec cette œuvre reliant le tout  par delà les siècles.

Une belle lecture dont les bémols sont pour moi relatifs 
à une fin un peu abrupte du côté de Tatiana... 
Et la quête identitaire de Camille un peu trop caricaturée. 

J'ai aimé encore une fois me plonger dans le Paris 1900 
dans son foisonnement artistique et son vent de liberté. 
 
Comme Tatiana et Camille, 
Constantin Brancusi m'a charmée 
et offert ce baiser si doux.


"Nuls besoin pour cela d'évoquer le vrai, le réel, affirme-t-il. L'essentiel n'est pas de figurer ni même de voir, mais de contacter l'essentiel, d'aller à l'invisible. C'est pourquoi il refuse de représenter les passions humaines comme le fait l'académisme le plus  répandu. A quoi bon tailler les montagnes pour faire de leurs pierres des cadavres ou du bifteck enragé ? A-til tranché. Que sont les statues classiques qui représentent nos héros, nos poètes, nos rois et nos saints, si ce n'est qu'un morceau de viande morte et figée dans le marbre."



 "Camille pris le temps d'observer chaque détail. C'était un bloc carré, trois fois plus haut que large, un bloc de calcaire gris un peu grossier parsemé d'éclats noirs. Les amants y étaient pris entiers. Nus, enlacés étroitement. Fondus l'un dans l'autre. Deux amants assis, face à face, leurs bras encerclant tendrement l'autre, sans pression, sans excès. Pieds à plat, cuisses repliées, jambes de l'homme enserrées avec douceur, imbriquées avec naturel entre celles de la femme. Quelques détails, à peine suggérés : une chevelure longue séparée en bandeaux dévalant le dos de la femme, le haut relief des bras, le doux rebondi du sein. Ils sont là, front contre front, regard contre regard, nez contre nez, lèvres à lèvres. C'est un baiser immense. Un amour absolu. Un acte sexuel intense et innocent à la fois. Évident."

Merci à BABELIO pour le cadeau de ce livre 
lors de la Masse critique du mois de janvier 2020 
et merci aux Éditions J'ai Lu et à Sophie Brocas  !


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