jeudi 7 octobre 2021

Un autre pas vers la rivière Pierre Pelot

 


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Version revue et corrigée de La Montagne des bœufs sauvages, sorte de récit de voyage  au pays natal de l’auteur : les Vosges ; récit qui mêle joyeusement souvenirs d’enfance  et descriptions des paysages vosgiens, au rythme des saisons.

Je suis né, dans cette vallée de la montagne des bœufs sauvages étroitement serrée par les hauteurs rondes aux couleurs délavées, rousses et bleuies, comme des ressacs pétrifiés de vagues écumées.

Vosges.

Pays de vent, de rivières à eaux d’ambre, de forêts profondes, de montagnes au sommet fatigué, les Vosges sont l’âme et le cœur de l’œuvre de Pierre Pelot.

Elles s’incarnent ici au fil des souvenirs d’enfance lumineux de l’auteur. Il y raconte les siens, le quartier ouvrier du tissage où ses parents se sont rencontrés, ses rêveries, sa maison au bord de l’eau, dans un récit qui se savoure comme une invitation au voyage au plus près d’une nature rugueuse, secrète, et d’hommes et de femmes forgés par des histoires qui n’appartiennent qu’à eux.

Une mémoire et une terre partagées avec les mots magnifiques de Pierre Pelot.

Mon avis : 

L'écriture du paysage, l'écriture façonnée par la nature et la nature façonnant l'écriture de Pierre Pelot. 

Un très beau livre, un livre d'amour à son pays. 

A ses racines et à ses souvenirs d'enfance.

"Les derniers jours des vacances sentaient déjà vilainement la rentrée, des fraîcheurs sereines flottaient les soirs, comme des haleines , sur les bords de l'eau. Les forains installaient sur la place du village leurs caravanes immenses, pour la fête patronale...

On avait la peau brune et les genoux crouteux, des cicatrices et des griffures de vacances remontées haut sur les mollets. Dans quelques semaines, pas davantage, on remettrait des pantalons longs. Les années n'en finissaient jamais."

Les Vosges région étant elle-même un personnage en lien en osmose avec ses résidents.

" Ces gens sont les printemps qui s'insinuent sous les cieux délavés, tremblants d'un reste de froidure et poussant d'un bord à l'autre des montagnes un troupeau de nuages caillés. Quand les prés se défroissent et que les terres gelées suent la boue de sous leur épiderme craquelé. Des matins encore frissonnants, la pluie sans averse semble monter du sol, emperle les herbes qui pointent en vert fragile à travers l'entrelacs des vieilles fenaisons manquées, couchées à plein coteau, dessine au fusain les ramures qu'elle rehausse de craie, brille à la pointe des bourgeons pleureurs et étonnés."

On se promène en pays sauvage, en pays rude mais si beau. 

" Dans la rivière coulent de l'encre et de l'argent fondu, des glaires de mercure, des filaments diamantifères, qui murmurent et se coulent dans le paysage encore ouvert entre les berges éléphantiasiques méconnaissables sous leurs boursouflures de glace. du surnaturel suinte dans l'air figé de ces sortes de nuits posées dans la grimpée vers le perpétuel mystère caché. Vous n'êtes pas sitôt dehors que le froid se dépose sur vos cils et s'insinue dans vos narines et vous mord le bord des dents par l'interstice entrouvert de vos lèvres, il vous lèche les joues, vous pince les oreilles, il est sur vos cuisses et vos genoux à travers la grande culotte, vous auriez dû, comme maman vous le disait, mettre des caleçons longs. "

On sent la neige, le froid, le vent, on s'immerge dans les rivières, les espaces, les montagnes, on admire, les arbres, les animaux et on s'insinue chez les gens d'ici… 

"L'animal avait sans doute été touché par une voiture. Il s'était traîné jusque-là, ou bien on l'y avait jeté. Il était couché dans les empreintes moulées de centaines de pas, en travers du trottoir, devant l'ancienne Ecole des Filles. Sombre, un animal sombre, sous la neige qui poudrait son pelage d'argent dans la lumière des guirlandes. Un renard d'un an à peine, la pointe de la queue grise. Il avait du sang sur les dents, les yeux entrouverts.  Il l'a prise, comme on porte un chat, ça ne pèse guère plus un renard, et l'a ramenée chez lui et les flocons fondaient dès qu'ils touchaient ses yeux."

J'ai ressenti très fort cet attachement à la terre, à son ultime respect.

"Il avait appris, dans sa vallée à l'abri de la montagne, les couleurs et les senteurs des saisons de passage, attardées et couchées les unes après les autres sur les prés diversement coiffés et barbouillés pour chacune des occasions, toutes ses odeurs sculptrices d'invisible, soulevées et dégringolées comme la cavalcade des âmes des bêtes à travers la forêt." 

L'écriture m'a fait penser à celle de l'auteur islandais Jon Kalman Stefansson surtout avec "Lumière d'été puis vient la nuit" 

J'ai aimé cette lecture qui parfois m'a fait perdre pieds dans les songes et les failles que Pierre Pelot n'hésite pas à ausculter tout en perdant parfois son lecteur comme au cœur d'une forêt bien sombre. Mais ce n'est pas ça que je retiendrai de ma lecture qui a su m'envouter.

Une lecture qui met en valeur ces Vosges et aussi de ceux qui vivent là car ils y sont nés.

" De chairs et d'os, de pensées et de sentiments, des gens de peines et de bonheurs - ont vécu là. Ici et partout. Dans l'ombre des arbres d'aujourd'hui entrelacées aux ombres de leur souvenir. Il suffit d'un rien, pour que la mémoire enfouie somnolente à jamais se réveille tout à fait, que se dressent les présences couchées sous les épaisseurs des feuilles mortes. Les fantômes surgis. les fantômes ne sont pas hostiles, ils sont juste des histoires qui dorment au bord du présent qui nous suit pas à pas comme une ombre."

Un pays où la nature est l'essentiel et qui forcément saura me plaire… 

Futures découvertes d'un coin de mon beau pays, la France.

Merci à NetGalley et Les Presses de la Cité pour cette belle lecture !



10 commentaires:

  1. Je ne connais pas le coin, mais m'y rendre avec l'auteur, ça m'a l'air bien!

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    1. Bonjour Keisha,
      oui la découverte avec l'auteur est belle.
      Bisous

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    1. Bonjour,
      oui pourquoi pas mais pas forcément l'été ;-)
      Bises

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  3. C'est beau ce que tu dis.
    Je ne connais pas ce coin et pourtant, j'y ai des racines maternelles.
    Je note le titre...
    Syl.

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    1. Bonjour Syl.
      Merci beaucoup ♥
      Oui il reste toujours des coins de France à découvrir et des racines à remonter en quelque sorte.
      Bisous

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  4. un beau nature writing... presque local pour moi ;) Pourquoi pas?!

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    1. Coucou Violette,
      oui Pelot est le nature writer du Jura ;-)
      Bisous

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  5. Si tu cites Stefansson ça attire forcément mon attention^^

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    1. Coucou Jérôme,
      oui j'ai trouvé que dans la manière de parler de leurs pays ils se réunissaient...
      Bises

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