dimanche 25 mars 2018

Fendre l'armure Anna Gavalda

" On me demande d'écrire quelques mots pour présenter mon nouveau livre aux libraires et aux critiques et, comme à chaque fois, ce sont ces quelques mots qui sont les plus difficiles à trouver. Je pourrais dire que c'est un recueil de nouvelles, que ce sont des histoires, qu'il y en a sept en tout et qu'elles commencent toutes à la première personne du singulier mais je ne le vois pas ainsi. Pour moi, ce ne sont pas des histoires et encore moins des personnages, ce sont des gens. De vrais gens. Pardon, de vraies gens.
   C'est une faute que j'avais laissée dans mon manuscrit, "la vraie vie des vrais gens", avant que Camille Cazaubon, la fée du Dilettante, ne me corrige : l'adjectif placé immédiatement avant ce nom se met au féminin. Quelles gens ? Certaines gens. De bonnes gens.
  Cette règle apprise, je suis allée rechercher tous mes "gens" pour vérifier que tous s'accordaient bien et j'ai réalisé que c'était l'un des mots qui comptait le plus grand nombre d’occurrences. Il y a beaucoup de "gens" dans ce nouveau livre qui ne parle que de solitude.
  Il y a Ludmila, il y a Paul, il y a Jean (!) et les autres n'ont pas de nom. Ils disent simplement "je". Presque tous parlent dans la nuit, pendant la nuit, et à un moment de leur vie où ils ne différencient plus très bien la nuit du jour justement.
  Ils parlent pour essayer d'y voir clair, ils se dévoilent, ils se confient, ils fendent l'armure. Tous n'y parviennent pas mais de les regarder essayer, déjà, cela m'a émue. C'est prétentieux de parler de ses propres personnages en avouant qu'ils vous ont émue mais je vous le répète : pour moi ce sont pas des personnages, ce sont des gens, de réelles gens, de nouvelles gens et c'est eux que je vous confie aujourd'hui. " Anna Gavalda source : Éditions Le Dilettante

Mon avis :  

J'ai commencé ce livre en oubliant complètement qu'il s'agissait d'un recueil de nouvelles. J'ai donc commencé ma lecture par "L'amour courtois" en pensant suivre la pétillante Ludmila et son langage populaire qui m'a de suite séduite  ! Je me suis bien marrée même si au fond Ludmila c'est une tendre qui a peur de fendre l'armure pour se laisser aimer.

" Eh oui. Faut pas se fier. je suis grossière, mais c'est ma tenue de camouflage. Comme les geckos sur les troncs d'arbre ou les renards de l'Arctique qui changent de pelage en hiver, mon côté voyant, c'est pas mes vraies couleurs. 
Y a des poules , je me souviens plus de leur nom, qui ont des plumes derrière les pattes, comme ça elles effacent leurs traces au fur et à mesure qu'elles avancent, et bien moi c'est pareil sauf que c'est dans le sens contraire : je brouille tout avant même de rentrer en contact. Pourquoi ? Parce que y a toujours mon corps qui fausse ma nature. 
(Et encore plus quand je m'habille avec les tee-shirts en papier tue-mouches de ma copine Samia, j'avoue.)

" L'amour courtois " m'a donc "pêcho" dans le style Gavalda que j'aime avec ses gens, ceux qu'elle sait très bien regarder et aimer. 

Je me suis donc plongée dans ce recueil de nouvelles avec délectation (genre que j'apprécie et qui me permet d'avoir d'autre lecture en même temps car ce sont des "petits"univers qui ne nécessitent pas trop de mémorisation).

Page 47 on change de personnage enfin non pardon Anna, on change de gens :-)  

Avec "La maquisarde" j'ai fait la connaissance de deux femmes esseulées  qui tentent de vivre l'une en tant que veuve et mère et l'autre en tant que maîtresse sans enfant et délaissée. Ces deux femmes là vont croiser leurs chagrins et s'aider sans le savoir. 
Cette nouvelle est la plus longue du recueil et sa chute m'a laissé pourtant un sentiment d'inachevé car on laissait là les femmes à des moments importants de leurs vies ... J'ai eu envie de les suivre encore dans la reconquête de leurs vies...

"Mon chien va mourir " arrive avec un homme, c'est Jeannot un routier au grand cœur.
 Cette nouvelle à ma préférence dans ce recueil elle est très émouvante. Fendre l'armure pour un père qui a perdu son fils et son compagnon à 4 pattes qui l'avait aidé à sa façon dans cette perte immense...

" Grâce à mon chien, j'ai cessé de ma bloquer la mâchoire et j'ai repris goût à la route. Pauses pipi obligent, j'ai même découvert des coins ici et là où il aurait fait bon vivre. 
Grâce à lui, qui avait été abandonné et qui m'avait attendu sagement la première nuit, qui n'avait pas douté une seule minute que j'allais revenir le chercher et qui maintenant comptait sur moi pour son bien être, j'ai été mieux. Je ne dis pas heureux, je dis mieux.
C'est quelque chose ou quelqu'un comme ça qui a manqué à ma femme."
Avec "Happy meal " je me suis fait entourloupée ! Argl, l'art de la nouvelle est dans sa chute et là elle est excellente ! On peut relire la nouvelle alors sous un tout autre angle !

"Mes points de vie" parle de beaucoup de chose en un minimum de pages et dresse le portrait d'un père mesurant la chance d'avoir un enfant bien portant et décrit fort bien les addictions de certains adolescents !

"Le fantassin" c'est l'histoire d'une amitié entre homme qui aidera l'un à fendre l'armure ... Gavalda nous rappelle ici l'importance de dire son amitié avant qu'il ne soit trop tard...

On fini dans un train avec "Un garçon" quelques filles et sans doute une ou des possibilités...

Au final un recueil qui se déguste comme une boîte de chocolat, 
ben oui on ne sait jamais sur lequel on va tomber ! 
(dixit Forest Gump comme vous le savez) !

Merci Anna Gavalda, merci de m'avoir confier ces gens. 
Ils sont devenus un peu par votre intermédiaire mes amis aussi. 

Fendez vous aussi votre armure, ça ne peut que faire du bien ♥

" Et de sourire enfin me permettait de pleurer enfin. Pas de la petite larmichette amère comme à l'instant d'avant ou au café même, mais de bonnes grosses larmes bien rondes, bien grasses et bien chaudes. Du corps qui lâche. De la dureté qui cède. Du chagrin qui fond."

@Didi mars 2018 Nougat ♥

jeudi 22 mars 2018

Le carnet Viking 70 jours en mer de Barents Anita Conti

Fécamp, juin 1939. Anita Conti embarque sur le morutier Viking pour une campagne de près de trois mois dans l'Atlantique Nord. C'est la première fois qu'elle reste aussi longtemps sur un navire. Seule femme parmi cinquante pêcheurs, elle restitue au jour le jour, dans ce carnet inédit, l'émotion brute ressentie à bord. Gorgé d'images et de confidences de marins, fouetté d'embruns ou noyé de brume, Le Carnet Viking ouvre aux secrets de la mer, ce monde énigmatique et mouvant où l'on se confronte au détachement et aux sensations les plus élémentaires.
Anita Conti (1899-1997), écrivain, photographe et voyageuse, avait la mer dans le sang. Pionnière de l'océanographie, ardente protectrice des océans et des poissons, elle fut aussi la première femme à pénétrer le monde fermé des marins et à en témoigner. Préface de Catherine Poulain. Source Payot et Rivages

Mon avis : 

C'est le carnet de bord d'une femme qui part en mer de Barents pendant 70 jours de juin à septembre 1939.


Elle prend place à bord d'un navire de pêche " Le Viking ". Seule femme à bord je ne peux que saluer cette "aventurière" exploratrice et scientifique ! 

Ce carnet reflète cette vie en mer que l'on a peine à imaginer.Se sont réellement des forçats de la mer, des ouvriers, des mineurs des océans. 

Ils arpentent les eaux salées à la recherche de leur salaire.

L'écriture est abrupte, mais a-ton vraiment loisir d'écrire tranquillement à bord de ces bateaux usines ? 

On pêche et on conditionne les poissons à bord. Toute la vie des pêcheurs et concentrée sur les poissons, leur quête, leur pêche, leur transformation.

Dans son carnet Anita Conti nous décrit très bien cette vie à bord et ses rudes conditions. 

Elle s'interroge aussi sur les ressources de la mer , sur le fait de toujours en prélever davantage... 

Elle ponctue son carnet de ses propres photos et de croquis concernant les poissons et autre animaux des mers. 


Elle s'intéresse à tout, ce qui est dans l'eau, ce qui est sur le bateau.



Elle nous indique chaque jour l'état de l'eau, du ciel, de ce que les filets relèvent. Elle nous présente les différents métiers à bords et m'apprends des choses. Comme ce qu'est un gogotier. 


Si son style n'est pas très littéraire, il se fait parfois poétique au gré de la météo.

"21 H 30 - Gris sinistre. La nuit enfin tomberait-elle ?
Le jour ne s'éteint pas et personne n'a vu le soleil. On sait qu'il est là, derrière cette couche épaisse de vapeurs qui forment dôme. Ce ne sont pas des nuages dessinés, aux formes fantaisistes qui évoquent des lignes de terres véritables (terres de beurre... disent les hommes, et ils rêvent...) ou des nuages qui laissent passer des jambes de lumière... De tels nuages évoqueraient quelque chose de vivant, quelque chose d'autre que cette cloche noirâtre qui nous domine, nous entoure et aussi nous enferme, cette cloche d'épaisseur humide posée sur une circonférence d'eau terne, dont on est le centre perdu."

On sent chez Anita Conti l'âme d'une profonde amoureuse de la nature et de la mer en particulier, on sent déjà dans ses expéditions la volonté de tirer une sonnette d'alarme quant aux ressources non inépuisables de la mer.

J'ai senti chez cette femme l'âme d'une pionnière dans cette volonté très écologiste tout en respectant de manière très forte le travail des marins pêcheurs. 

J'ai apprécié ce livre mais ce n'est pas vraiment ce que je préfère en littérature... D'ailleurs ce livre retrace le carnet d'expédition de cette femme. C'est donc plus un documentaire et celui-ci m'aura permis de découvrir la vie à bord mais aussi de partir à la découverte de cette femme admirable.

Cette lecture m'a embarquée sur le Viking ... 
Mais ne m'a pas vraiment embarquée littéralement parlant...



Néanmoins, je remercie vivement 
Babelio et ses masses critiques et les Éditions Payot et Rivages 
pour cette aventure en mer de Barents !


Anita Conti force le respect 
et cette dame de la mer a toute mon admiration




dimanche 11 mars 2018

L'art de perdre Alice Zeniter



L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ?
Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?
Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l’Algérie, des générations successives d’une famille prisonnière d’un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d’être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.
Découvrir cet auteur sur Babelio.com




Mon avis : 


Livre emprunté à mon amie Wal,  je la remercie encore une fois, de m'offrir une si belle lecture.

L'art de perdre est une saga familiale sur trois générations. Le père fondateur c'est Ali, agriculteur Kabyle il crée en Algérie une ferme qui produira de l'huile d'olive.

Ali aura plusieurs enfants avec Yema dont Hamid le père de Naïma qui est dans ce livre le fils conducteur, ou plutôt l'investigatrice qui va partir à la recherche de l'histoire de sa famille entre France et Algérie. 

L'art de perdre n'est pas une histoire si fictionnelle que ça, j'ai d'ailleurs pensé dans un premier temps que l'auteur mettait en scène sa propre vie. Ainsi après l'avoir entendu dans diverses émissions je sais qu'Alice Zeniter est la fille d'un couple mixte français algérien tout comme son personnage Naïma. 


Une interview de l'auteure pour nous éclairer  ICI    

L'auteur pourtant dit avoir réaliser une fiction mais que bien sur elle a puisé dans sa propre histoire bien des éléments. Elle a part l'intermédiaire de Naïma pu exprimer mille choses. 

L'art de perdre est un roman qui m'a emporté au cœur de l'Histoire (avec un grand H) et des histoires familiales.

Lire ce roman m'a donné l'occasion de m'intéresser à la guerre d'Algérie. Cette guerre que l'on n'a jamais étudiée à l'école et qui reste un épisode trouble et violent qui a bouleversé bien des vies de part et d'autres de la méditerranée. 

Alice Zeniter se penche sur les croisées des destins, sur ce que les hommes et les femmes ne choisissent pas toujours. Elle met au cœur de son livre la construction de chacun. Tout ceci au centre d'évènements de la grande Histoire.

Se construire dans la liberté mais aussi et surtout les contraintes, un procédé long et qui ne s'arrête jamais.

J'ai particulièrement aimé ce livre, l'auteure est d'une intelligence qui m'a touchée. J'ai pris un immense plaisir de lecture. J'ai adoré m'immerger dans les pensées et les vies des membres de cette famille entre Algérie et France.
 
Alice Zeniter met en scène de magnifiques portraits.
Les relations entre la France et l'Algérie sont ambivalents et portent encore des stigmates. 

Alice Zeniter nous parle au fond d'identité nationale ( de ce terme assez flou que l'on a du mal a définir...). De déracinements, de mises de côté, d'identité, d'intégrations, d'immigrations, d'émigrations.

Ce livre parle de beaucoup de chose sans leçon à donner. En exposant des faits.

" Tu peux venir d'un pays sans lui appartenir, suppose Ifren. Il y a des choses qui se perdent... On peut perdre un pays. "
    
La construction de soi, de son identité est propre à chacun. Elle est faite de multiples paramètres et est mouvante et non pré déterminée.

L'art de perdre c'est accepter de ne pas s'imposer des choses mais se construire dans la ou les perte(s). 

Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître,
tant de choses semblent si pleines d'envie
d'être perdues que leur perte n'est pas un désastre.

Perds chaque jour quelque chose. L'affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l'heure gâchée qui suit.
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.

Puis entraîne-toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes : aux endroits, aux noms, au lieu où tu fis
le projet d'aller. Rien là qui soit un désastre.

J'ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l'avant-dernière de trois maisons aimées : partie !
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.

J'ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,
des royaumes que j'avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n'y eut pas là de désastre.

Élisabeth Bishop

Ce livre était en lice pour le Goncourt mais n'a pas été retenu... C'est dommage, mais il a eu le Goncourt des Lycéens et je trouve cette récompense très enthousiasmante et importante. La jeune génération vivant au quotidien une mixité de population, ce livre lui aura parlée de façon puissante et sensible. Dans la quête de ce que nous sommes et de ce que l'on va et veut devenir. La vie en somme...

Je ne peux que vous inciter à découvrir,
 sous l'impulsion de Naïma,
 les membres de cette famille entre France et Algérie. 

Bonne lecture ! 


tous les livres sur Babelio.com


Participation au Challenge Pavé chez Babelio ! (plus de 500 pages)          


dimanche 4 mars 2018

De l'ardeur !

Ernest Pignon-Ernest

De l'ardeur
De la clameur
De la chaleur

Laissons le froid février

De l'ardeur
il nous en faut

de l'ardeur
et des couleurs

de l'ardeur
et de la chaleur

De l'ardeur 
oui de l'ardeur !!!

De l'art d'or

Didi