samedi 27 octobre 2018

Concours pour le Paradis Clélia Renucci

« Tout était dévasté, consumé, calciné. C’est de cet enfer qu’allait renaître le Paradis. »

Dans le décor spectaculaire de la Venise renaissante, l’immense toile du Paradis devient un personnage vivant, opposant le génie de Véronèse, du Tintoret et des plus grands maîtres de la ville. Entre rivalités artistiques, trahisons familiales, déchirements politiques, Clélia Renucci fait revivre dans ce premier roman le prodige de la création, ses vertiges et ses drames. Source Albin Michel

Ce livre je l'ai eu grâce à l'opération :

Les Matchs de la rentrée littéraire 2018 de Rakuten ou #mrl18


C'est Leiloona grâce à son blog Bricabook  qui m'a mis la puce à l'oreille pour le lancement de cette opération que j'affectionne et à laquelle je participe depuis quelques années ! 

Rétrospective des Matchs de la rentrée littéraire :


Toujours une joie immense d'y participer :
2013 La lettre à Helga de BERGSVEINN Birgisson 

Merci aux différentes Blogueuses de nous faire découvrir des pépites ICI  et merci à Rakuten (anciennement Price Minister ) de m'avoir permis de recevoir ce livre ♥ (et un autre également !)


Mon avis en tableaux, en liens et en mots : 

Ce livre nous plonge dans la Venise du 16ème siècle.




Cette ville, je ne l'ai jamais visitée, alors c'est avec plaisir que je me suis laissée guider par Clélia Renucci.

Tout débute par un terrible incendie qui détruit le Palais des Doges et de ses nombreuses peintures.

Ce lieu est le lieu du pouvoir des Doges, les dirigeants de la République de Venise.

Huile sur toile, 265 × 184 cm, collection Crespi, Milan. Le palais des Doges
 
Ainsi le Doge de l'époque, Sébastiano Venier va vouloir  redécorer la salle du Grand Conseil.

Un grand concours va être lancer pour mettre en rivalité les plus grands peintres de l'époque.

Ce concours sera aussi l'occasion, pour les membres du pouvoir d'appuyer telle ou telle vision de la vie et de la mort. 

Venise est en concurrence directe avec Rome, la religion chrétienne tient à cette époque et en ces lieux une place très importante. 

Les relations entre le pouvoir, la chrétienté (et le pape) et les artistes seront au cœur de nombreuses discussions concernant la création de ce Paradis.

Les artistes personnages de ce roman sont tous des personnages ayant existé, je vous les présente :


Paolo Véronèse 

autoportrait


Portrait of Francesco Bassano 1549-92" 
Dominico Tintoretto oil on Canvas, location: The Hermitage - St. Petersburg.





Huile sur toile, 45 × 38 cm, Philadelphia Museum of Art.

et ses trois enfants (il en a eu 8 mais 3 ont travaillé en tant que peintre) :

Marrieta, Domenico et Marco 

Autoritratto con madrigale di Marietta Robusti detta La Tintoretto,

 1575 circa, dalle Gallerie degli Uffizi, Firenze

En matière de peinture la mise en concurrence de tous ces artistes va attiser les jalousies et les coups bas.

Véronèse et un des personnages central de ce roman : Ambitieux, séducteur, talentueux et roublard ! 

" Ce genre de raisonnement digne de Machiavel plaisait à Véronèse qui, en plus d'avoir une âme d'artiste, possédait celle du plus roué des courtisans "

Il va d'ailleurs s'emparer de façon fort "culottée" des idées du Tintoret pour gagner ce concours !

Ce livre est une très belle chronique de cette époque et nous rends à la perfection l'atmosphère qui devait régner à cette époque. 

Cette course à la gloire, cette course au pouvoir. En ces temps là, les moyens de marquer son temps et son pouvoir s'inscrivaient dans la pierre, les peintures et les actes de guerre et les négociations de paix.

C'est Véronèse et Bassano qui vont gagner le concours et devoir réaliser ce " Paradis ".

" Foscari, l'ordonnateur du concours, était persuadé qu'écouter un artiste parler de son œuvre gâchait la vision qu'on en avait. Une toile ne s'explique pas, elle se reçoit, se ressent, s'interprète, et le peintre n'est pas nécessairement partie prenante de ce processus. " 

Hélas cette association imposée de ce jeune peintre avec ce peintre renommé et au caractère bien trempé ne sera pas une réussite... 

 " S'il faut bien admettre que nous peignons à la commande, peignons aussi un peu pour nous. Quel Paradis veux-tu ?, Fransesco? Celui du moine Bardi ou le tien ? Le nôtre ? C'est à dire de celui de tous les Vénitiens ? Bassano ne savait que répondre. S'il ne voulait pas subordonner son talent à des injonctions extérieures, il n'était pas sûr de pouvoir s'y soustraire. Il n'avait pas , comme son aîné, trente années de carrière et de vivats derrière lui. En dix ans de travail acharné à Venise il avait obtenu des commandes et peints pour le Palais comme de nombreuses églises, mais il était toujours dépendant de l'atelier de son père et, quoiqu'en pense Véronèse, du bon plaisir des grands." p103 échange entre Bassano et Véronèse

Véronèse reste le personnage central de ce livre. il a un talent immense et surtout l'art de mener "en gondole" tout le monde qui gravite autour de lui. 

Hélas, comme pour tous, Véronèse va s'éteindre en avril 1588, épuisé en fêtes et amusements (Carnaval, théâtres, Commedia dell'arte, bals, chasses aux taureaux et autres réceptions).

Ses funérailles furent "somptueuses et mondaines à l'image de sa vie". 

 " Les femmes rivalisèrent d'élégance pour envoyer un salut à leur grand zélateur. Elles s'étaient données le mot et s'échappaient de leurs gondoles tendues de noir dans des tenues plus colorées les unes que les autres. Chacune avait choisi de porter les robes dans laquelle le peintre l'avait immortalisée dans ses tableaux, formant ainsi une mosaïque de ses œuvres. "

Giustiniana Barbaro
Portrait in fresco of Giustiniana Giustiniani from Villa Barbaro, Maser, 1561, Veronese
  " La courtisane qui avait posé pour le sulfureux "Suzanne et les Vieillards" suscita le scandale en arrivant dans un simple drap écarlate, noué élégamment de façon à s'en faire une toge."

Suzanne et les vieillards

"... Tullia s'avança dans la tenue qui avait fait sa gloire dans L'Enlèvement d'Europe, ..."

Site Agora

Suite à ce décès le Tintoret et son fils Domenico vont reprendre la réalisation du tableau du Paradis. Juste retour des choses... 

Le roman nous offre alors une belle histoire de l'art en se faisant très technique. Clélia Rennuci nous apprend beaucoup sur la réalisation de cette fresque, la plus grande au Monde !

De la réalisation du support en bois à l'encollage de la toile et de la confection de la colle. Du travail de séchage au transport de l'atelier à la salle d'exposition. De la réalisation des échafaudages ! 

" La colle seule différait, amalgamée non plus avec du fromage mais à l'aide de peau de lapin, de poisson ou de porc. L'atelier resta toujours aussi actif, l'odeur seul changea. " page 178

" Devant l'air dubitatif du menuisier, Tintoret s'emporta : Cessez de penser à l'impossible et croyez au réalisable ! Peut-être mes plans ne valent-ils pas les vôtres, mais vous vous devez de trouver une solution. Je m'apprête à peindre la plus grande toile du Monde Pour sa Sérénissime. " page 173

Quant on voit un tableau j'ai tendance à oublier tout ce travail... Preuve que l'artiste sait nous emmener ailleurs grâce à son talent !

Dans ce livre on comprend très bien que tous les tableaux sont les œuvres de toute une équipe. Les Garzonis s'occupaient de tout le travail de préparation des immenses peintures.

Le temps de réalisation était lui aussi très important ! 

Clélia Renucci a très bien su nous rendre compte de tout ça en mettant une once de romanesque et de fiction dans cette histoire.

Avec le Tintoret et son fils Domenico elle nous fait nous immiscer dans les familles des peintres de l'époque où les talents  ne se transmettaient pas toujours. Mais où le sens familial était très important. 

C'est d'ailleurs Domenico, le fils du Tintoret qui va reprendre le pinceau sous l’œil critique mais finalement bienveillant de celui-ci.

" Qu'as-tu fais mon fils ? Au milieu d'une foule si confuse, qu'est-il advenu de la belle ordonnance de la Divine Comédie ? Je ne dis pas que c'est mal peint ... Ta main a du génie. "

Jacopo Tintoret affecté par le tribunal de l'inquisition envoyé par Rome et par la perte de sa fille va alors se laisser mourir. 

" Les deux hommes échangèrent peu sur leurs émotions respectives : l'un venait de prendre conscience par son autoportrait de son retrait du monde et de sa capacité à regarder la mort en face, tandis que l'autre, par ce portrait inséré dans cette toile si symbolique, s'élevait enfin à la stature du peintre."

Autoportrait Tintoret 1588


Ce livre m'a beaucoup plu, dans ce qu'il m'a livré de l'histoire de l'art. Les portraits des artistes sont très réalistes et l'auteur a su magnifiquement nous faire suivre cette épopée. Celle d'une œuvre grandiose qui occupera bien des vies et continue à nous émerveiller ! 

Le peintre au centre de toute l'attention reste Véronèse, un personnage reflétant magnifiquement cette époque, un magnifique artiste !

D'ailleurs la double couverture du livre est un détail du très beau tableau de Véronèse :

Junon déversant des dons sur Venise, détail, 1554-1556, 
Véronèse (Venise, Palais des Doges, Salle de l’Audienza)


et il est le célèbre peintre des Noces de Cana (œuvre que j'ai pu admirer au Louvre) 

Source Musée du LOUVRE
 
 « Je peins mes œuvres, disait-il, sans prendre ces choses en considération et je me donne la licence que se permettent les poètes et les fous. » citation de Véronèse
Après cette plongée dans le monde artistique du 16ème siècle à Venise me reste à découvrir l’œuvre grandiose du Paradis comme quand à l'époque cette fresque fut découverte par les Vénitiens et leurs prestigieux invités. 
" Arrivés sur l'estrade, ils tirèrent d'un coup sec le velours qui glissa jusqu'au sol en même temps que les doutes de Domenico. Comme tous il fut ébloui. " 







N'hésitez pas, entrez au Paradis ! 

Et venez découvrir ce monde fascinant 
de l'art à Venise au 16ème siècle. 

N'hésitez pas à cliquer sur les liens 
vous permettant de découvrir un peu plus
 les peintres et les tableaux !



Merci à Rakunen qui, avec Ces Matchs littéraires,
 m'offre toujours de belles lectures.

Merci à Albin Michel et à l'auteure Clélia Renucci.

Merci aussi à Leiloona du blog Bricabook, ma marraine pour ces matchs.  






samedi 6 octobre 2018

L'oeil le plus bleu de Toni Morrison


Chaque nuit, Pecola priait pour avoir des yeux bleus. Elle avait onze ans et personne ne l'avait jamais remarquée. Mais elle se disait qu'avec des yeux bleus tout serait différent. Elle serait si jolie que ses parents arrêteraient de se battre, que son père ne boirait plus, que son frère ne ferait plus de fugues. Si seulement elle était belle, si seulement les gens la regardaient.
Quand quelqu'un entra, la regarda enfin, c'était son père et il était ivre. Elle faisait la vaisselle et il la viola sur le sol de la cuisine, partagé entre la haine et la tendresse....


"Premier roman de l'auteur de Beloved et de Jazz, le livre contient déjà tous les thèmes de l’œuvre, le monde noir, l'enfance, la servitude des femmes, portés à un rare degré de perfection ... atmosphère poignante de ce récit marqué par le désamour. L'écrivain y trouve d'emblée sa langue incandescente, épurée au creuset de William Faulkner et rythmée par la cadence lancinante du bleus." --Anne Pons, L'Express
 

Mon avis :  

Lecture  d'un livre acheté en occasion (1 euro !) lors de la vente de livres d'occasion de la médiathèque de ma ville.

Ma moisson ! @Didi

Cette lecture fût un peu déconcertante dans sa composition. On passe de personnage en personnage de façon pas très linéaire ... Le fils conducteur reste cette jeune enfant Pecola. Cette enfant qui n'a rien pour elle, la pauvre, et qui pense qu'avoir les yeux bleus changerait sa vie.

" - Que puis-je faire pour toi mon enfant ?
- Je ne peux plus aller à l'école. Et je me suis dit que tu pourrais peut-être m'aider.
- T'aider, comment ? Dis-moi. N'aie pas peur.
- Mes yeux ?
- Et bien quoi tes yeux ?
- Je veux qu'ils soient bleus. "
Soaphead a fait la moue et sa langue a caressé une de ses dents en or. Il a pensé que c'était la demande la plus  fantastique et la plus logique qu'on lui ait adressée. Voici une petite fille très laide qui demandait la beauté. Il a été submergé par un élan d'amour et de compréhension, vite remplacé par la colère. La colère devant sa propre impuissance à l'aider. De tous les souhaits que les gens lui avaient adressés - argent, amour, vengeance - celui-ci lui paraissait le plus poignant et lui semblait mérité le plus d'être exausé. Une petite fille noire qui voulait sortir de la fosse de sa négritude pour voir le monde avec les yeux bleus.

J'ai retrouvé l'écriture âpre de Toni Morisson, cette écriture qui colle si bien à la dure réalité de bien des hommes et des femmes de ce roman. 

J'ai lu en novembre 2012 Home (dans le cadre des matchs littéraires de P. M auxquels je vais participer encore cette année !). Vous pouvez cliquer sur le lien du titre :-)


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Le malaise est bien là, le malaise de ces vies malmenées par cette misère poisseuse et obsédante. 

Et l'écriture de Toni Morisson sur la vie la mort, si juste !

" Le repas a été joyeux après la beauté grandiose de l'enterrement . C'était comme une tragédie de la rue, avec la spontanéité cachée dans les coins d'une histoire tout à fait formelle. La défunte était l'héroïne tragique, les survivants les victimes innocentes ; il y avait l'omniprésence de la déité, les strophes et les antistrophes du chœur des pleureuses conduites pas le pasteur. Il y avait la douleur à propos de la perte de cette vie, de l'étonnement devant les voies insondables de Dieu, et, au cimetière, la restauration de l'ordre et de la nature. 
Aussi le repas d'enterrement a été l'exultation, l'harmonie, l'acceptation de la fragilité de la vie, la joie de voir s'achever une souffrance. Le rire, le soulagement, et une grande faim."

Et ce drame, cet inceste si dérangeant, mis en mots de façon exceptionnelle. On est là, on assiste impuissant à l'ignominie... 


Dérangeant, heurtant, 
un livre choc qui cogne là où sa fait mal !
Une lecture coup de poing ! 
A lire avec des yeux bleus, gris, verts, marrons ! 


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