vendredi 9 août 2019

D'acier de Silvia Avallone


Il y a la Méditerranée, la lumière, l’île d’Elbe au loin. Mais ce n’est pas un lieu de vacances. C’est une terre sur laquelle ont poussé brutalement les usines et les barres de béton. Depuis les balcons uniformes, on a vue sur la mer, sur les jeux des enfants qui ont fait de la plage leur cour de récréation. La plage, une scène idéale pour la jeunesse de Piombino. Entre drague et petites combines, les garçons se rêvent en chefs de bandes, les filles en starlettes de la télévision. De quoi oublier les conditions de travail à l’aciérie, les mères accablées, les pères démissionnaires, le délitement environnant… Anna et Francesca, bientôt quatorze ans, sont les souveraines de ce royaume cabossé. Ensemble, elles jouent de leur éclatante beauté, rêvent d’évasion et parient sur une amitié inconditionnelle pour s’emparer de l’avenir. Source LIANA LEVI
Mon avis :


Livre emprunté lors du dernier comité de lecture du samedi 6 juillet 2019 de la bibliothèque où travaille mon amie Wal. Ma meilleure amie qui m'a fait une trouille bleue le jour de mon départ pour les vacances... Mon amie, tu vas mieux et j'en suis très heureuse ♥  

Cette lecture, je l'ai faite au gîte près de Nantes dans le beau jardin sous de grands chênes centenaires. 

"D'acier" c'est avant tout l'histoire d'une amitié entre deux jeunes filles de 14 ans : Anna et Francesca.

Silvia Avallone dresse ici un tableau plombant de cette ville en bord de mer au passé et au présent très industriels mais à l'avenir compromis... 

"Plombant" c'est bien le terme qui me vient à l'esprit quand je pense à ces vies écrasées par le travail harassant à l'usine d'acier, phagocytant cette cité de bord de mer, la rendant différente et bien loin des images de cartes postales de villes italiennes méditerranéennes. 

Piombino une ville usine où coule l'acier. L'envers du décor est si triste.

L'écriture de Silvia Avallone est une écriture de sensations, charnelle. Une écriture touchante, tranchante, sans concessions sur la situation économique et sociale. 

Anna et Fransesca nous permettent de nous infiltrer dans le quotidien des habitants de Piombino et celui-ci est loin d'être reluisant. 

Même la vie de ces deux jeunes filles au moment de tout les possibles semblent sans grand espoir... Seule leur relation fusionnelle semble les préserver de la dureté extérieure. Un vrai cocon d'amitié et peut être même d'amour, se tisse à l'heure des choix de vie... 

Les familles de l'une et l'autre sont bancales, les pères absents et ou violents. Attachés et même enchaînés à l'usine ou au contraire en rébellion à la recherche d'espoir. 

Les corps sont mis en avant, les corps de ces deux adolescentes qui changent, qui grandissent, s'épanouissent en même temps que leurs rêves, leurs vies.
"Elle leva la tête, s'arrêta pour regarder Anna, sa meilleure amie, au milieu d'un nuage de queues et de pattes. Elle devait le dire maintenant, se décider. Une quinzaine de chats se frottaient contre ses jambes et Anna les laissait faire, se penchait sur eux, les retournait pour les caresser sur le ventre, là où le poil est rare et rose.Francesca restait là, en effervescence . Sentait couler sous sa peau quelque chose de fluide chaud, vibrant, qui irradiait en elle et lui faisait peur. Anna approchait son nez du museau humide des chats et Francesca remarquait combien elle avait changé. Comme une douceur liquide dans ses gestes, dans ses yeux. Elle est devenue féminine. La voix plus rauque, un ton plus bas, en ce moment où elle parlait, sans que Francesca comprenne les mots. Et au fond de son corps anguleux et muet, quelque chose se dénouait."

Leur relation très charnelle ne prend pas la même trajectoire chez l'une et l'autre et le cocon se déchire... Dans la violence des sentiments adolescents. 

" Anna se pencha sur le visage de son amie, pose à peine sa bouche sur la sienne. C'était beau de sentir son souffle chaud mêlé au sien, ce voile de salive humide sur ses lèvres. Et rien ni personne ne pouvait changer cela. Francesca ferma les yeux. "On ne peut pas", dit Anna sans s'éloigner, "ce n'est pas bien". Francesca rouvrit d'un seul coup ses yeux d'un vert plus sombre. "Pourquoi ?" "On n'est plus des enfants. Si on s'embrasse, ça n'est plus comme à l'école primaire, ça ne peut plus dire pareil". Elle hésita un instant. "Il m'arrive des choses... qui ne devraient pas m'arriver avec toi".
"Mais moi, ces choses là, elles ne m'arrivent qu'avec toi !"

Il y a aussi dans ce livre le portrait des amitiés masculines avec Alessio le frère (presque père) d'Anna, Mattéo le petit ami d'Anna et Cristiano l'ami d'Alessio

Silvia Avalonne dresse un portrait édifiant et moderne de cette jeunesse sacrifiée. 

Alessio le frère d'Anna est l'une des figures phares de cette histoire. L'homme de la maison remplaçant ce père fuyant et absent. J'ai été subjuguée par sa beauté, sa fougue, sa fierté.

"Toi et moi (Alessio parlant à son père) on n'est pas pareil, dit Alessio en détachant bien les mots. Te fatigue pas. Ça me plaît de me faire enculer, de verser de l'acier dans les poches de coulée et de jouer le rôle du plus con de la terre. Ce qui me plaît pas, à moi, c'est d'enculer les autres".

L'auteure a su me captiver, me plaquer sur le sol brûlant de cette ville. Son écriture et ses personnages m'ont fascinés et éblouis.

Comme un soleil rasant cognant très fort, l'auteure a réussi à m'éblouir, me faire suffoquer, et cligner des yeux pour verser quelques larmes "a-mer". Car oui, la vie n'est pas toujours à l'image d'un été au bord de mer.

Une excellente lecture vous l'aurez deviné !

Une lecture brûlante aux sentiments entiers de l'adolescence en fusion.

Une image de carte postale brûlée à l'acier coulant dans les hauts-fourneaux. 

Une chronique sociale et économique d'une Italie qui se délite, 
prenant en étau une jeunesse bouillonnante. 

Chers amis lecteurs, maintenant que nous voilà habitués aux canicules, 
laissez-vous brûler à l'acier de cette histoire 
en espérant ne pas vous faire éblouir par quelques mirages...

Lecture juillet 2019

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12 commentaires:

  1. Un roman que j'avais aimé pour son atmosphère.

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    1. Coucou Alex,
      oui c'est une atmosphère brûlante ! J'ai lu ton avis sur babelio et tu l'as lu presque en même temps que moi.
      Bon dimanche... pluvieux hélas...

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  2. Coucou Didi. C est toujours intéressant de voir ce que lisent les autres ! Je suis assise comme toi quand je lis 😊 j'espère que tu passes un bel été riche en lectures ...

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    1. Coucou Marty,
      oui oui je me fais plaisir en lecture et je suis en retard pour en parler ici : encore deux bonnes lectures à mon actif en vacances ! J'espère que tu profites bien de l'été et peut être de vacances également.
      Bises @ bientôt

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  3. Une belle lecture qui me tente beaucoup ! L'atmosphère que décrit m'intrigue beaucoup !
    Merci de la découverte
    Bonne journée

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    1. Bonjour Laura,
      merci de ta visite ici :-) oui un livre qui a un atmosphère très particulière et très bien décrite.
      Je te souhaite une belle découverte.

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  4. Après une telle chronique je ne peux que noter.
    Merci et belle fin d’été :)

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    1. Merci Marque-Pages et Cie ;-)
      Une lecture vraiment percutante. Une atmosphère particulière et décalée.
      Bonne journée et @ bientôt

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  5. j'avi lu Marina Bellezza de cette autrice il y a quelques années et j'avais tellement aimé que je m'étais juré de lire autre chose… merci de me le rappeler!

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    1. Coucou Violette,
      oh oui et moi je lirais forcément d'autres titres de cette auteure ;-) Marina Bellezza est noté ! Nos profils de lectrice sont très proches, je me retrouve très souvent dans tes coups de cœur ♥
      Bisous bisous

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  6. ah oui, nous sommes d'accord ! Joli billet que je relis avec plaisir :) Bonne semaine à toi !!

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    1. Coucou Violette,
      et oui tu avais déjà réagi à l'époque et nous étions d'accord ;-) comme souvent sur nos coups de cœurs. Moi je lirais Marina Bellezza et toi tu as déjà lu D'aciers désormais.
      Bises au plaisir de nos échanges

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